Découvrez l'histoire de Roger Lemaitre. Cet original retranché du siècle dernier, vivait à Alquines dans une vieille maison retirée, et partageait son temps entre la peinture, la musique et les travaux potagers.
Si Roger Lemaitre avait eue l'âme d'un militaire, il aurait peint lui-même ses "armes" : palette et accordéon.
Cet original retranché du siècle dernier, vivait à Alquines dans une vieille maison retirée, et partageait son temps entre la peinture, la musique et les travaux potagers.
Un homme doux et hospitalier, qui aimait les chats comme Léautaud, l'accordéon comme Carco et qui s'est constitué son musée personnel d'hommes illustres : Wagner, Vidocq, Pie XII, Caruso ou encore De Gaulle.
Sûrement. Il suffisait pour s'en convaincre de parcourir sa vieille bicoque campagnarde (la maison natale de sa mère) aux toits fléchis et aux portes étroites, où tout était menace pour le crâne et les côtes de l'étourdi : les angles des vieux meubles et l'arête des chambranles surbaissés.
Les murs étaient décorés de fresques animalières, chevreuil bondissant par-dessus un ruisseau, flamants roses contemplatifs et envol de faisans. La cuisinière en fonte émaillée projettait ses pattes trapues jusqu'au milieu de la cuisine, un chat blanc souvent pelotonné sur le couvre-lit et un visiteur qui se sentait scruté par une galerie de personnages illustres qui le regardairent depuis les murs.
Ce décor-là ne se compromettait pas avec les usages de l'époque. Ni télévision, ni transistors, ni formica. La cafetière, sur le coin du poêle, en dissait assez de la superbe ignorance du maître de maison pour les gadgets domestiques.
Roger Lemaitre est né à Calais en 1915. À 4 ans, ses proches criaient déjà au prodige en faisant admirer ses dessins. Il cultiva son don, sans autre apprentissage académique, qu'une ou deux années d'études à l'école locale des Beaux-Arts.
Plus tard, il fut décorateur, au théâtre de Calais avec André Culié, puis peignit des panneaux de lits pour un fabricant de meubles. Il cessa très vite toute activité rétribuée pour vivre de ses rêves. En effet, en 1940 il fuit Calais et se réfugia à Alquines, dans la chaumière, vieille de deux siècles du hameau du Warlez, qu'il n'a plus quittée.
Cet homme doux et singulier vivait sans bruit, entre son potager, son accordéon rouge, ses pinceaux et sans compter, ses chats qui sont bien les animaux les plus sauvages de la maison. Autodidacte, en peinture comme en musique, il suivait la pente de sa nature artistique inclassable, naïf par l'inspiration et nourri d'influences successives qu'il ne démêlera jamais clairement.
Greuze aurait pu peindre sa "Mort du laboureur", illustration touchante de la fable, et l'exemple de Corot a probablement inspiré "le troupeau à l'abreuvoir". Mais à quelle source rattacher "le relais de la diligence", sans doute emprunté à quelques gravures d'une ancienne "Veillée des chaumières" ?
La prédilection de Roger Lemaitre va au portrait, le genre auquel il excelle. Il peint d'après des documents : photographies, gravures, images d'Epinal ou de Saint-Sulpice. Sa galerie de héros rapproche Vidocq et Wagner, Pie XII et Caruso en costume de scène, la Joconde et le Général de Gaulle : le peintre était très fier de cette oeuvre-là, mais la plus réussie reste un portrait du jeune montagnard, le regard fier sous le béret alpin.
Roger Lemaitre n'a jamais exposé. On sent que les démarches décourageaient par avance ce solitaire, accueillant, mais timide, qui préférait vivre caché et se contenter de l'estime de quelques amis. Ses tableaux n'ont quitté qu'une fois leur retraite : pour décorer une salle de banquet où une communauté professionnelle organisait une fête de famille. Il les a prêtés de bon coeur et sans inquiétude, assuré de l'honnêté des emprunteurs : c'étaient les gendarmes de Lumbres ! Cette forme modeste de consécration suffisait au bonheur de Roger Lemaitre.
Maison de Roger Lemaitre au hameau du Warlez à Alquines.
Les visiteurs qui passés par le hameau du Warlez pouvaient frapper à sa porte. Il ne refusait jamais l'entrée dans son musée. Mais il fallait baisser la tête si le visiteur dépassait le mètre-quatre-vingts, sous peine d'apprendre à ses dépens que la "bosse de la peinture" n'était pas seulement une figure de style !
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